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Parce que l’enfance est parfois une tragédie qui s’oublie sous des regards qui confinent au silence, Stéphane Gerhards l’extirpe de son corps avec la précision d’un crayon qui explore les zones interdites du pathos. Pas de complaisance, une oeuvre qui serait un acte magique de délivrance. Pour lui, mais aussi pour ce moi qui regarde et se retrouve confronté à ce qu’il/elle n’a peut-être pas pu/voulu voir ou dire… Un cri lie l’enfant à l’adulte. Il fallait l’articuler, Stephane l’a fait, avec densité et sensibilité. L’injonction du silence est partout dans le blanc du papier. Le dessin s’y pose, s’y grave, lutte, opère sa chirurgie, son exorcisme et, ça et là, la peinture pleure… Par l’acceptation de ce qui dégouline, loin d’un tic d’époque, l’oeuvre retrouve la force d’ex-primer ce qui s’était imprimer au coeur même de sa chair, offre enfin une réalité à la blessure muette, jusque là si contrôlée ; la honte de l’enfant est celle que l’autre devrait porter ; la rigidité, les punitions, les vociférations laissent l’être seul, face à lui, un être tout petit, déjà chargé de désespoir, et d’une rage qui gangrène son troisième oeil. Cet « Antre nous » dans toute son ambivalence et sa persistance. L’entre, espace censé nous séparer/lier devient l’Antre, ce repaire d’animalité, de visages distordus, dont on ne sort jamais tout à fait ? Ainsi, plus tard, des masques obligés, un regard jaillit avec l’intensité vitale de celui qui survit aux épreuves et transcende le mutisme d’un coin de mur, ces mains qui cachent nos visages, celles qui voudraient nous bâillonner, nous empêcher de voir… Parce qu’il nous faut parfois soulever les mouchoirs trop blancs qui recouvrent nos souvenirs-sensations, l’art de Stéphane Gerhards révèle, bouscule, trouble, écorche, émeut…